ÉLECTRONIQUE (GUERRE)

ÉLECTRONIQUE (GUERRE)
ÉLECTRONIQUE (GUERRE)

Dès l’apparition de l’électronique, les chercheurs ont compris l’importance que cette technique allait avoir dans le secteur des armements. Les premières expériences de télécommunications ont été justifiées par des besoins militaires.

En France, le général Gustave Ferrié effectue, à partir de 1903, des expériences de transmission qui conduiront à la création de la radiotélégraphie militaire. De même, le radar, inventé en 1904 par l’Allemand C. Hülsmeyer, ne devra son développement qu’aux applications militaires. À peine découvertes, les ondes radioélectriques entraient de plain-pied dans le domaine des armements.

Curieusement, les postes radioélectriques puis les radars ne furent pas considérés comme des armes, aucun effet destructeur direct ne pouvant leur être attribué. On ne parla de guerre électronique qu’après que les premières interceptions de messages opérationnels et les premiers brouillages, très largement involontaires, se furent produits. Les ondes, en transportant les messages, avaient réduit les distances aussi bien entre les unités alliées qu’entre celles-ci et l’ennemi.

Aussi la guerre électronique conserve-t-elle de cette origine une particularité: elle ne recouvre que les activités électroniques visant à gêner l’utilisation des ondes par l’ennemi et exclut de son domaine les télécommunications et la détection radar. Elle pourra intercepter les émissions ennemies, les brouiller, ou même les leurrer. La riposte consistera à tenter de protéger les émissions par des contre-contre-mesures.

En revanche, on ne considérera pas que transmettre des messages militaires, utiliser le radar ou la radionavigation, même si ces moyens contribuent directement à l’emploi efficace de la puissance de feu, soient des actions de guerre électronique.

Historique de la guerre électronique

La guerre électronique est devenue un volet essentiel des conflits modernes. Elle ne prend une réelle importance qu’au cœur de la Seconde Guerre mondiale. Au début des hostilités, Britanniques et Allemands disposaient de radars de détection lointaine mais pas de contre-mesures efficaces. L’utilisation par les Allemands d’un système de radionavigation dénommé knickebein , permettant à la Luftwaffe de bombarder de nuit avec une précision remarquable, provoquait une réaction rapide. Londres réalisait un brouilleur spécifique, baptisé Aspirin , qui se montra particulièrement efficace et força les Allemands à s’engager dans une course technique – mesure - contre-mesure – d’une surprenante rapidité, mais qui tourna à l’avantage des contre-mesures.

La Seconde Guerre mondiale

En 1943, l’utilisation des Windows, bandes de papier d’aluminium, permit à la Royal Air Force (R.A.F.) de réduire considérablement ses pertes lors des missions de bombardement sur l’Allemagne. En rendant inutilisables les radars de détection allemands qui auraient pu guider la chasse, ces réflecteurs protégeaient efficacement les bombardiers. À partir de 1963, la guerre du Vietnam a démontré que missiles et canons anti-aériens associés à des radars de tir pouvaient mettre en échec l’aviation la plus puissante du monde. Ce ne fut que lorsque les avions américains furent équipés de brouilleurs adaptés aux radars des systèmes sol-air soviétiques, dont étaient équipés les Nord-Vietnamiens, que les bombardements des centres industriels purent reprendre.

La guerre du Kippour

En 1973, la guerre du Kippour montra encore l’importance de la guerre électronique. Au début du conflit, l’efficacité des défenses sol-air des armées égyptienne et syrienne, équipées notamment du missile S.A.-6 utilisé pour la première fois sur le champ de bataille, avait contraint l’armée de l’air israélienne à rester au sol. Elle n’a pu reprendre l’offensive qu’après que ses avions eurent été équipés des brouilleurs nécessaires, fournis par les États-Unis dix jours après le début des hostilités. C’était la première fois que le public prenait conscience de l’importance de la guerre électronique.

La guerre des Malouines et le conflit de la Bekaa

En 1982, deux nouveaux conflits eurent lieu: la guerre des Malouines et l’opération «paix en Galilée». Le premier marqua l’apparition des missiles dans la guerre navale. En réalité, la destruction, en 1967, de la corvette israélienne Eilath par deux missiles Styx d’origine soviétique avait déjà démontré leur importance, mais, dans le cas de la guerre des Malouines, c’était la première fois qu’ils étaient utilisés dans un grand conflit naval. Ainsi, le missile Exocet, en détruisant le destroyer britannique Sheffield , a marqué les esprits. La surprise engendrée par cet événement n’est pas sans rappeler celle que l’emploi de missiles sol-air au Vietnam avait créée. Compte tenu du très faible nombre de missiles dont disposaient les Argentins, il est difficile de dire si les contre-mesures mises en place par les Britanniques ont sensiblement limité l’efficacité de cette nouvelle arme.

Au même moment, le conflit de la vallée de la Bekaa, baptisé par les Israéliens «paix en Galilée», ressemblait à un exercice de guerre électronique. Les défenses aériennes syriennes comportaient, en plus des missiles utilisés en 1973, des S.A.-8 et S.A.-9. L’emploi combiné de drones de leurrage, de missiles antiradars, de brouillages des liaisons sol-air et air-air a conduit à la destruction simultanée de l’aviation et des défenses sol-air syriennes.

La guerre du Golfe

Dans la nuit du 16 au 17 janvier 1991, l’opinion publique internationale découvrit avec stupéfaction le pouvoir de destruction d’armes nouvelles qu’elle ignorait. Capables de détecter le moindre mouvement adverse, les satellites forment une clef de voûte très efficace. Parallèlement, les avions Awacs (Airbore Warning and Control System) et les avions F-117, surnommés avions invisibles, tissent dans le ciel une chaîne ininterrompue de capteurs qui dévoilent les positions et déplacements ennemis. Les systèmes de vision nocturne, les conduites de tir laser ont porté la précision des tirs à un niveau inégalé. Les missiles sol-air Patriot autoguidés se sont avérés le meilleur moyen de défense contre les missiles irakiens Scud. Mais l’électronique intervient sur l’ensemble des composants des matériels (infanterie, artillerie, chars, transmissions, etc.) qui voient leurs possibilités démultipliées, et ce à tous les échelons.

La nature de la guerre électronique

Cette brève évocation de l’histoire de la guerre électronique et des différentes campagnes au cours desquelles elle a été utilisée montre qu’elle n’est qu’un moyen supplémentaire à la disposition des stratèges.

Lors de chaque conflit, l’utilisation de nouveaux équipements a créé un effet de surprise, bien que, le plus souvent, les possibilités de ces armements eussent pu être évaluées assez précisément grâce aux informations techniques disponibles dès le temps de paix. On constate également que les belligérants ont su tirer les enseignements de leurs échecs, et éviter de commettre les mêmes erreurs.

La guerre électronique dans les conflits a modifié certaines données techniques, mais les grands principes de la tactique et de la stratégie militaires demeurent. La surprise engendrée par l’emploi de nouveaux armements reste un atout majeur. Il importe de savoir tirer parti des déficiences connues des équipements adverses. Enfin, la ruse joue toujours un rôle aussi important que par le passé. Un scénario de guerre électronique ne sert qu’une fois. Il n’est pas plus possible de le réutiliser que de rééditer une campagne de Napoléon. Il faut sans doute chercher ailleurs l’originalité de la guerre électronique. Dans ce type de conflit, les temps de réaction nécessaires sont souvent trop courts pour qu’il soit possible de confier à un opérateur la responsabilité de choisir la riposte appropriée à une situation donnée. Lorsqu’un missile s’approche d’un avion, il faut mettre en œuvre immédiatement les contre-mesures adaptées. De même, dans les missiles, véritables robots autonomes, un automate doit pouvoir détecter les contre-mesures et les mettre en échec.

On assiste en fait au combat de deux machines qui ne peuvent se servir que de comportements préprogrammés. Il devient donc nécessaire d’«instruire» ces machines en temps de paix, de telle sorte qu’elles se comportent efficacement au combat. L’observation des premiers engagements doit permettre de réagir et de corriger immédiatement les procédures adoptées dans les équipements. Cela ne peut être réalisé que par du personnel extrêmement qualifié, disposant de moyens d’investigation très perfectionnés. La guerre électronique apparaît comme une arme d’une très haute technicité, d’une utilisation très délicate, et réservée aux pays à la fois développés et très fortement motivés.

Les différentes techniques de la guerre électronique

Traditionnellement, on sépare la guerre électronique en trois branches (télécommunications, radar et électro-optique) correspondant aux principales applications militaires. Dans chacun de ces grands domaines, les techniques sont classées en fonction des objectifs qu’elles cherchent à atteindre.

Les mesures de renseignement électroniques

Les mesures de renseignement électroniques (M.R.E.), ou electronic support measures (E.S.M.), visent à recueillir des renseignements sur l’adversaire. Il s’agit d’intercepter les émissions ennemies et, si possible, de les identifier, c’est-à-dire de déterminer à quel système d’arme elles correspondent. Le plus souvent, leur direction d’arrivée est estimée par un radiogoniomètre en vue de localiser l’émetteur. Lorsque les liaisons ne sont pas chiffrées, l’écoute des télécommunications permet l’interception de messages opérationnels.

Tous ces renseignements bruts sont collectés par des systèmes de guerre électronique dont le rôle est de préparer des synthèses extrêmement utiles au commandement. Les systèmes électroniques sont utilisés dans les munitions guidées PGM (precision guided munitions) permettent d’enrayer une offensive classique et de contre-attaquer localement sans recours à l’armement nucléaire. Il s’agit des seuls systèmes entièrement passifs, donc très difficiles à détecter, susceptibles de déterminer à distance la structure du dispositif ennemi: positions des unités et des postes de commandement. Certes, le silence radio et radar imposé lors des déploiements permet malgré tout de créer l’effet de surprise. Celui-ci ne pouvant être maintenu après le déclenchement des opérations, le renseignement électronique reprend alors tout son intérêt.

Les contre-mesures électroniques

Les contre-mesures électroniques (C.M.E.), ou electronic countermeasures (E.C.M.) en anglais, visent à interdire à l’ennemi l’utilisation des ondes électromagnétiques. Dans le domaine radar, il s’agit des brouilleurs et des paillettes, aussi connues sous le nom de schaff . Les premiers peuvent être classés soit par rapport à la technique employée soit en fonction de leur finalité.

On parle de brouilleurs à bruit destinés à désensibiliser les radars, de brouilleurs répéteurs ou répondeurs réémettant avec retard les impulsions reçues, de leurres destinés à créer de fausses pistes. D’un point de vue opérationnel, la classification se fera entre les brouilleurs de barrage ou à distance de sécurité, placés loin à l’intérieur des lignes amies, les brouilleurs offensifs utilisés dans des missions de pénétration, les brouilleurs d’autoprotection destinés à neutraliser les autodirecteurs des missiles, enfin les brouilleurs abandonnés mis en place en terrain ennemi...

Les paillettes, encore appelées Windows, ont été inventées au cours de la Seconde Guerre mondiale par les Britanniques. Constituées de bandes de papier métallisé, elles créent de faux échos sur les radars. Formées de fils de plastique métallisé, elles ont perdu une partie de leur efficacité depuis que les radars Doppler peuvent les distinguer des avions en mesurant leur vitesse. Toutefois, elles sont toujours indispensables à l’autoprotection aérienne. Une sécurité plus radicale contre la détection par radar consisterait à supprimer totalement la rétrodiffusion des ondes par les cibles militaires. La réduction de l’écho radar, c’est-à-dire de la surface équivalente radar (S.E.R.) qui mesure son intensité, est devenue un objectif prioritaire. Cette recherche de discrétion vis-à-vis des systèmes de détection ennemis correspond au concept Stealth des Anglo-Saxons. Par analogie, on parlera d’avion furtif et, plus généralement, de la furtivité des matériels militaires.

Domaine de l’électro-optique . Les écrans créés par les fumigènes sont utilisés depuis longtemps pour masquer les cibles à la vue de l’ennemi. Le développement d’autodirecteurs infrarouges a nécessité la mise au point de leurres pyrotechniques, rayonnant pendant un temps assez court une énergie thermique plus grande qu’un réacteur d’avion. Cela sera d’autant plus facile que le rayonnement infrarouge de l’avion, ou signature infrarouge (S.I.R.), sera réduit.
Domaine des télécommunications . Les techniques de brouillage mises en œuvre dans les télécommunications sont analogues à celles qui sont utilisées en radar. Lorsque les transmissions ne sont pas chiffrées, il est parfois possible de se faire passer pour un correspondant du réseau ennemi. L’intrusion dans les liaisons opérationnelles est, lorsqu’elle réussit, extrêmement «payante».

Les contre-contre-mesures électroniques

Connues également sous le nom de mesures de protection électronique, les contre-contre-mesures électroniques (C.C.M.E.), ou electronic counter-countermeasures (E.C.C.M.), sont exclues du domaine de la guerre électronique. Cela ne correspond en fait qu’à la survivance d’une distinction entre mesure et contre-mesure assez discutable sur le fond.

Tous les systèmes précédemment décrits ont réagi face à la guerre électronique. Le développement des contre-mesures électroniques au cours de la Seconde Guerre mondiale a marqué le début d’une compétition entre équipements électroniques qui rappelle la lutte de l’arme et de la cuirasse.

Utilisation d’un radar . Un traitement du signal de radar de plus en plus performant permet d’agir contre les brouilleurs. L’agilité de fréquence, en permettant d’utiliser aléatoirement des longueurs d’onde différentes, apporte une protection complémentaire. Les autodirecteurs infrarouges à imagerie permettent de discriminer les cibles et les leurres.

Télécommunications . En télécommunications, l’étalement de spectre permet de se protéger à la fois de l’interception des messages et du brouillage. À ces améliorations des matériels correspondent des perfectionnements des systèmes de guerre électronique conduisant eux-mêmes à de nouvelles évolutions techniques.

En fin de compte, seule la croissance des coûts unitaires des équipements freine cette course à la performance. Il faut alors admettre que, là comme ailleurs, il faut savoir limiter ses ambitions et reconnaître qu’il n’y a pas de solution parfaite. L’efficacité de la guerre électronique est donc liée à la qualité des hommes qui la mettent en œuvre autant qu’aux performances des systèmes dont ils disposent.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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